Variétés de luzerne
Les particularités biologiques de l’espèce
C’est une espèce autotétraploïde. Cela signifie que chaque chromosome se trouve présent en quatre exemplaires dans le génome. En pratique, cela ralentit l’identification des structures génétiques favorables et donc le progrès génétique.
Il s’agit d’une plante à reproduction allogame : les ovules d’une plante sont pollinisés par le pollen d’une autre plante. Le transport du pollen est assuré par des insectes pollinisateurs – surtout des abeilles solitaires. En absence de pollinisateur, ou si les fleurs sont peu attractives, la production de graines est faible.
Enfin, il est impossible de contrôler les croisements. En conséquence, les variétés sont des populations synthétiques issues de plusieurs générations de multiplication de parents bien identifiés.
En raison de ces particularités, les variétés cultivées ont des structures génétiques complexes. Toutes les plantes présentes dans un peuplement de luzerne sont génétiquement différentes les unes des autres. A l’opposé, dans un peuplement de maïs ou de blé, tous les individus sont semblables, soit tous hybrides (maïs) soit tous homozygotes, c’est à dire que l’on peut reproduire à l’identique par autofécondation (blé).
Ressources génétiques
La condition préalable à toute sélection est l’existence d’une diversité génétique pour le caractère que l’on cherche à améliorer au sein de l’espèce.
La luzerne cultivée (Medicago sativa L.) est une espèce fourragère pérenne, originaire du Croissant Fertile (Moyen-Orient). Elle fait partie d’un complexe d’espèces, comprenant à la fois des types diploïdes et des types tétraploïdes. A niveau de ploïdie donné, ces espèces sont inter-fertiles. En croisement, elles produisent des plantes fertiles. Au niveau tétraploïde, Medicago falcata est une espèce très proche des luzernes cultivées. Elle se caractérise par un port rampant, des fleurs jaunes et des gousses en forme de faucille.
Les groupes de diversité génétique dont on dispose en Europe sont d’une part le matériel « flamand » et d’autre part le matériel « méditerranéen » dont les types « Provence ». Les types flamands sont issus de l’introduction à partir des populations sauvages de l’espèce falcata de caractères d’adaptation comme la résistance au froid. Une grande diversité existe aussi dans du matériel très peu dormant originaire du pourtour du bassin méditerranéen, de la Péninsule arabique et du sous-continent indien. Cependant ce matériel est une source de diversité difficilement utilisable en Europe de l’Ouest en raison de sa très faible dormance automnale et donc de sa faible pérennité.
Objectifs et critères de sélection
Les objectifs de sélection en luzerne répondent à l’attente des utilisateurs, que ce soit pour un objectif de déshydratation ou pour une utilisation à la ferme.
Production et répartition du rendement
La production de biomasse aérienne et sa répartition sur l’année constituent un objectif majeur de sélection. Cependant, parce que le produit récolté est directement issu du rendement de la photosynthèse et que l’on peut difficilement allonger la période de végétation, force est de constater que les progrès sur le rendement en matière sèche, hors des progrès dus à l’amélioration de la résistance aux maladies, sont faibles. L’évaluation du potentiel de production de matière sèche est conduite en couvert dense, dans des dispositifs multi-locaux.
Adaptation au milieu
La tolérance aux contraintes physiques du milieu passe d’abord par une adaptation de la dormance du matériel génétique au milieu. Cette gestion permet de trouver le meilleur compromis entre la pérennité et des croissances aussi précoces que possible au printemps et après chaque coupe.
L’adaptation aux conditions de milieu passe aussi par une bonne résistance à la verse. Cet objectif a constitué depuis de nombreuses années un objectif majeur de la sélection française et européenne. La majorité des variétés inscrites au catalogue français présente une bonne tolérance à la verse, même si celle-ci peut être mise en défaut dans des conditions particulièrement humides ou à la faveur de récoltes tardives.
Tolérance aux maladies et parasites
C’est sans conteste le domaine où les progrès génétiques ont été les plus importants au cours des dernières décennies. Les parasites pris en compte sont d’une part des champignons, essentiellement Verticillium albo-atrum et Colletotrichum trifolii dans les zones nord ainsi que Phoma medicaginis en zone sud. Un effort important et fructueux a été conduit pour la résistance au nématode des tiges (Dytilenchus dipsacii) aboutissant à l’inscription de variétés avec de bons niveaux de résistance au cours des 5 dernières années. Enfin, plus récemment, un effort de sélection a été entrepris pour l’amélioration de la tolérance au puceron du pois (Acyrthosiphum pisum), qui peut dans certaines régions affecter fortement la croissance des luzernières en interaction avec l’alimentation hydrique. Pour tous ces ravageurs, les tests sont conduits en conditions contrôlées. Des sources de résistance à ces différents parasites ont été identifiées dans les différentes populations disponibles en collection.
Certains ravageurs ne sont pas pris en compte en sélection, soit parce que leur impact sur les luzernes est très limité géographiquement, ou que les attaques sont difficiles à reproduire. C’est en particulier le cas du rhizoctone violet. On notera aussi que certains ravageurs particulièrement virulents sur d’autres zones de culture de la luzerne sont absents ou sans conséquence néfaste en Europe. C’est en particulier le cas de Corynebacterium ou d’Aphanomyces euteiches.
La qualité des produits
La qualité du fourrage a fait l’objet de travaux de sélection, en vue d’une part d’augmenter la teneur en protéines, et d’autre part d’améliorer la digestibilité du fourrage qui est un frein à son incorporation dans des rations pour ruminants à haute performance.
Les caractéristiques de valeur alimentaire sont mesurées en laboratoire par des analyses chimiques (teneurs en protéines et en fibres, digestibilité enzymatique) et de plus en plus par des prédictions obtenues à partir de spectres collectés dans le proche infrarouge.
Autres critères
D’autres caractères, qui pourraient présenter un intérêt en sélection, sont peu voire pas pris en compte en Europe comme l’adaptation au pâturage et l’aptitude à l’association avec des graminées qui ne fait guère l’objet de sélection. La valeur agronomique d’une association repose avant tout sur les pratiques agronomiques appliquées à ces associations (voir rubrique « Culture d’association »).
La tolérance à la sécheresse font l’objet de travaux de recherche dans différents laboratoires en réponse à des contraintes environnementales très fortes dans certaines régions du globe. Il n’y a pas de travaux directs sur